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le pouvoir disciplinaire de l'employeur

                                          le pouvoir disciplinaire de l'employeur

le pouvoir disciplinaire de l'employeur

Introduction  
Pour guider les comportements de ses salariés vers l’atteinte de l’objectif organisationnel, l’employeur dispose de différents pouvoirs : » Pouvoir réglementaire (élaborer des règles internes à l’entreprise…) ; » Pouvoir de direction (exprimer et faire exécuter ses directives…) ; » Pouvoir disciplinaire (sanctionner les comportements non-conformes…). 

Avant la Loi du 4 août 1982, qui fait partie des Lois Auroux, ni le Conseil de Prud’hommes, ni la cour d’appel n’avait la possibilité de contester la sanction infligée par l’employeur à un salarié. Cette Loi a institué une modification fondamentale puisqu’on préfère depuis, la notion de droit disciplinaire détenu par l’employeur : l’employeur a, non pas le pouvoir incontestable, mais simplement le droit de prendre des sanctions sous certaines conditions. 
Le contrôle de ce droit disciplinaire représente une partie considérable des contentieux portés devant le Conseil de Prud’hommes, litiges souvent causés par des erreurs basiques quant à l’exercice de son droit disciplinaire par l’employeur. 
Cette fiche-outil a pour but de vulgariser les règles législatives inhérentes à l’exercice du droit disciplinaire. Elle ne saurait être exhaustive, ni apte à remplacer les conseils de juristes, mais elle aspire simplement à présenter un condensé des grandes lignes du droit disciplinaire.  
L’exercice de ce droit disciplinaire se caractérise par quatre éléments principaux qui constitueront l’articulation de cette fiche-outil : 1- L’existence d’une faute du salarié ; 2- La sanction de la faute du salarié ; 3- La procédure disciplinaire à respecter ; 4- Le contrôle prud’homal des sanctions disciplinaires.  
N.B. : la procédure disciplinaire concernant des salariés protégés (représentants du personnel, délégués syndicaux…) est spécifique de par leur mission de représentation et de participation collective des salariés. De même, le licenciement économique obéit à des règles de procédure propres.


Section 1 : l’existence d’une faute du salarié 
Tout employeur qui envisage de prendre une sanction disciplinaire à l’encontre d’un salarié doit s’appuyer sur l’existence d’une faute imputable au salarié. 
La définition de la faute 
La Loi ne donne pas de définition précise de la faute. L’article L1331-1 du Code du Travail prévoit que l’employeur peut prendre une sanction suite à « un agissement du salarié considéré par lui comme fautif ». 
La jurisprudence a précisé cette définition laissant trop de place à l’interprétation. La faute est ainsi définie comme la violation volontaire et injustifiée par le salarié d’une obligation relative à l’exécution de son contrat de travail. 
Il faut préciser deux dimensions de cette définition : » La violation doit concerner une obligation professionnelle relative à l’exécution du contrat de travail : o Violation de l’obligation principale du contrat de travail : non-exécution de la prestation de travail ; o Violation de l’obligation accessoire du contrat de travail : non-respect de l’obligation de loyauté (non-concurrence, discrétion, réserve…).  » La violation doit être volontaire et injustifiée : o Violation volontaire. Cela signifie que l’employeur ne peut considérer que le salarié a commis une faute seulement si ce dernier est totalement responsable de son comportement. Par exemple, l’insuffisance de résultats ne peut être considérée comme une faute (hormis si le salarié s’est engagé contractuellement à atteindre un niveau de résultat donné). o Violation justifiée. Certaines violations des obligations relatives à l’exécution du contrat de travail peuvent être justifiées et ne peuvent donc être retenues pour justifier une faute du salarié. Il n’y aura ainsi pas de faute :  Quand le salarié exerce un droit reconnu par la Loi, sous réserve que ce droit ait été exercé dans le respect des dispositions légales qui l’encadrent. On pense ici au droit de grève (L1132-2), au respect de la durée maximale du travail, à l’exercice du droit syndical (L2141-5), le droit d’alerte et le droit de retrait (L4131-3). Dans tous ces cas, la violation de l’obligation principale du contrat de travail est justifiée par les sources légales.  Quand le salarié réclame directement ou par l’intermédiaire des représentants du personnel l’application d’un droit. Les exemples les plus fréquents sont ceux concernant la discrimination et le harcèlement.  Quand le salarié exerce une liberté fondamentale, notamment la liberté d’expression ou d’opinion. Toutefois, ces libertés connaissent deux restrictions principales : - L’employeur peut apporter des restrictions aux libertés du salarié à condition qu’elles soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (L1121-1).

- Le salarié ne peut pas abuser de ces droits. Ainsi, un dénigrement permanent ou des insultes à l’égard de l’employeur ne peuvent être justifiées par l’exercice des libertés fondamentales.
 … 
Notons enfin qu’une violation des règles internes à l’entreprise (notamment celles du règlement intérieur) peut également être constitutive d’une faute du salarié. 
Les niveaux de faute 
Il convient de qualifier la faute, dès lors qu’elle est établie, selon un niveau de gravité. La sanction qui en découlera sera fonction du niveau de gravité constaté. On reconnaît ainsi quatre niveaux de faute, donnant la possibilité à l’employeur de prendre une sanction disciplinaire à l’encontre du salarié fautif : 
» Faute légère : le premier niveau de faute ; il peut justifier une sanction disciplinaire mais ne constitue pas une cause valable de licenciement ; 
» Faute justifiant un licenciement pour une cause réelle et sérieuse : c’est un niveau de faute suffisamment grave pour justifier un licenciement. Le cas échéant, le salarié aura droit : o À l’indemnité de licenciement ; o À l’indemnité compensatrice de préavis ; o À l’indemnité compensatrice de congés payés. 
» Faute grave : c’est une faute rendant impossible le maintien de la relation de travail, y compris durant le préavis. Le salarié licencié aura droit uniquement à l’indemnité compensatrice de congés payés. 
» Faute lourde : c’est une faute d’une exceptionnelle gravité et qui suppose l’intention de nuire à l’employeur de la part du salarié. Ce dernier, licencié pour faute lourde, n’aura droit à aucune indemnité. 
Vie privée du salarié et faute 
Un fait tiré de la vie extra-professionnelle du salarié ne peut normalement pas être invoqué par l’employeur pour sanctionner le salarié. En effet, dès lors que le salarié n’est pas en situation de travail, il n’est plus sous la subordination juridique de son employeur. 
Cependant, un fait tiré de la vie privée du salarié pourra déclencher une procédure disciplinaire à condition qu’il ait créé un trouble caractérisé et manifeste dans l’entreprise ou ait porté préjudice à l’employeur. Il faut toutefois être prudent quant à l’existence de ce trouble ou de ce préjudice. 
Pour illustrer cette notion, nous pouvons reprendre l’exemple du licenciement d’une salariée ayant dénigré l’entreprise (hors temps et lieu de travail) auprès de ses clients (Cass. Soc., 15 oct. 1997, n°95-43.799), sanction qui a été jugée valable.

À l’inverse, n’ont pas été jugé valables : - Le licenciement pour faute d’un clerc de notaire, suite à sa condamnation pour avoir hébergé un clandestin (Cass. Soc., 16 déc. 1997, n°95-41.326). - Le licenciement pour faute d’un salarié s’étant fait expédier une revue à caractère pornographique sur son lieu de travail. La revue, visible par tous les salariés à l’accueil en avait scandalisé plusieurs, au regard de quoi l’employeur invoquait un trouble caractérisé dans l’entreprise. Les juges ont ici estimé qu’il n’y avait pas eu de trouble manifeste dans l’entreprise. (Cass. Soc., 18 mai 2007, n°05-40-803). 
 La notion de faute : » On parle de faute en cas de violation volontaire et injustifiée par le salarié d’une obligation professionnelle relative à l’exécution du contrat de travail ou en cas de manquement aux règles internes à l’entreprise. » 4 niveaux de faute existent. La sanction prise à l’encontre du salarié devra être proportionnée au niveau de la faute constatée.  
Section 2 : la sanction prise à l’encontre du salarié fautif  
Définition de la sanction 
La sanction est définie par l’article L1331-1 du Code du Travail : « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. » 
On en déduit donc que : » Une observation verbale ne constitue pas une sanction en tant que telle ; » Un simple avertissement, dès lors qu’il est formulé par écrit, constitue une sanction disciplinaire ; » Le fait que la décision de l’employeur ait ou non un impact sur la situation du salarié n’a pas à être considéré pour savoir si la décision a un caractère de sanction. 
L’échelle des sanctions 
Dans les entreprises d’au moins 20 salariés, le règlement intérieur doit « fixer les règles générales et permanentes relatives à la discipline, et notamment, la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur » (L1321-1 et suivants). L’échelle communément admise est la suivante : » Avertissement (par écrit) » Blâme » Mise à pied » Rétrogradation disciplinaire » Mutation disciplinaire » Licenciement

Possibilités de choix de la sanction par l’employeur 
L’employeur a le droit de choisir la sanction qu’il désire infliger à un salarié. Toutefois, la Loi et la jurisprudence encadrent cette liberté à travers plusieurs obligations ou interdictions :  
» La sanction doit être proportionnelle à la faute commise. » Les sanctions à caractère discriminatoire sont interdites. Ce sont les sanctions prises en considération de l'origine, du sexe, des mÅ“urs, de la situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de l'appartenance ou de la non-appartenance (vraie ou supposée) à une ethnie, à une nation ou à une race, des activités syndicales ou mutualistes, des opinions politiques, de l'exercice normal du droit de grève, des convictions religieuses, de l'apparence physique, du patronyme, de l'âge ou de l'état de santé ou du handicap du salarié. » Les amendes et sanctions pécuniaires sont prohibées. » NON BIS IN IDEM : il n’est pas possible de sanctionner deux fois un salarié pour une seule faute commise. Toutefois en cas de récidive du salarié qui commet une faute de même nature que la première, l’employeur peut prendre une sanction plus forte que la première. 
Enfin, l’employeur a un pouvoir d’individualisation des sanctions, sous réserve du respect des conditions citées ci-dessus. 
Sanction et refus du salarié 
Le salarié est en droit de refuser une rétrogradation disciplinaire ou une mutation disciplinaire. En effet, ces mesures conduisent à une modification unilatérale d’un élément substantiel du contrat de travail (la qualification pour la rétrogradation et le lieu de travail pour la mutation). Or, on sait qu’il est impossible de modifier unilatéralement un élément du contrat de travail, qui est la Loi des parties. Le salarié a donc la possibilité de refuser : - Une rétrogradation disciplinaire ; - Une mutation disciplinaire, à condition que celle-ci se fasse à l’extérieur du bassin d’emploi initial et que le contrat de travail du salarié ne contienne pas de clause de mobilité. 
En cas de refus, l’employeur a la possibilité de prononcer une sanction moins forte. S’il choisit d’opter pour le licenciement, il faudra que la faute initiale puisse justifier le licenciement et il conviendra de respecter la procédure de licenciement pour faute.   
 La sanction doit être notifiée par écrit. Elle peut ou non affecter la situation du salarié dans l’entreprise.  L’employeur dispose d’un pouvoir d’individualisation et de choix de la sanction mais doit respecter les obligations et les interdictions légales dans ce domaine.

Section 3 : la procédure disciplinaire 
Afin de protéger le salarié d’éventuels abus dans l’exercice du droit disciplinaire, la Loi prévoit que l’employeur doit respecter une procédure disciplinaire dès lors qu’il a connaissance d’une faute l’incitant à sanctionner le salarié. 
La procédure disciplinaire à respecter 
Il faut distinguer deux types de procédure disciplinaire. 
La procédure disciplinaire courte s’applique lorsque la sanction n’est pas de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. C’est ainsi le cas pour l’avertissement (écrit) et la blâme. L’employeur doit alors simplement notifier par écrit au salarié la nature des faits qui lui sont reprochés et la sanction infligée. 
La procédure disciplinaire longue s’applique pour les niveaux de sanctions supérieurs. » L’employeur doit  convoquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le salarié à un entretien préalable. » L’employeur reçoit le salarié en entretien. Ce dernier peut se faire assister par un « conseiller » durant cet entretien contradictoire. Ce dernier peut être un délégué du personnel, un salarié de l’entreprise. L’employeur peut également se faire assister par un salarié de l’entreprise ou un avocat. Durant l’entretien, l’employeur présente au salarié les faits qui lui sont reprochés. Celui-ci a la possibilité de s’exprimer sur ces faits afin de se défendre. » L’employeur doit enfin notifier, dans un certain délai, la sanction infligée au salarié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (ou par lettre remise en mains propres contre décharge si la sanction n’est pas un licenciement). 
Les différents délais à considérer dans l’exercice du droit disciplinaire 
La prescription de la faute commise au bout de 3 ans : l’employeur ne peut pas reprocher à un salarié une faute qui date de 3 ans ou plus. Ce délai empêche ainsi : - De sanctionner une faute datant de 3 ans ou plus. - D’invoquer une faute datant de 3 ans ou plus pour alourdir la sanction infligée à un salarié suite à une nouvelle faute de sa part. 
Le délai à compter de la connaissance de la faute par l’employeur : dès lors qu’il a connaissance de la faute, l’employeur dispose de deux mois (L1332-4) pour lancer la procédure disciplinaire s’il désire sanctionner le salarié. Passé ce délai, l’employeur ne pourra plus invoquer cette faute pour lancer une procédure de sanction. 
La notification de la sanction au salarié : à l’issue de l’entretien entre le salarié et l’employeur, ce dernier, dès lors qu’il décide de sanctionner le salarié, doit l’avertir : » En cas de licenciement, l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception doit se faire après qu’au moins deux jours francs (un jour franc s’entend de 0h à 24h) se soient écoulés depuis l’entretien et 30 jours au maximum après l’entretien (L12326). » En cas de sanction inférieure, l’employeur doit avertir le salarié par LR/AR ou par lettre remise en mains propres contre décharge en laissant s’écouler au moins un jour franc après l’entretien et au maximum un mois (L1332-1). 
 L’employeur qui envisage de sanctionner un salarié doit savoir que la procédure n’est pas la même en fonction de la sanction envisagée. De plus, de nombreux délais doivent être respectés afin de préserver la régularité de la procédure, qui pourra être contestée par le salarié et contrôlée par le juge des Prud’hommes.  
Section 4 : le contrôle prud’homal des sanctions disciplinaires  
Tout salarié s’estimant sanctionné à tort ou trop lourdement par l’employeur a la possibilité de contester cette décision auprès du Conseil de Prud’hommes. L’article L1333-3 du Code du Travail prévoit ce contrôle des sanctions disciplinaires par le juge des Prud’hommes. 
Le Conseil des Prud’hommes apprécie quatre points : » La réalité des faits reprochés au salarié sanctionné ; » La qualification de la faute reprochée au salarié ; » La proportionnalité de la sanction à la faute; » La régularité de la procédure disciplinaire. 
La charge de la preuve incombe essentiellement à l’employeur et en cas de doute, celui-ci est toujours au bénéfice du salarié. 
À l’issue de l’instruction, le juge peut confirmer la sanction prise par l’employeur ou au contraire conclure à une : » Sanction injustifiée : si la faute reprochée au salarié n’est pas établie, la cause même de la sanction  disparaît, la sanction est alors annulée par le juge. » Sanction disproportionnée : le juge considère que la sanction n’est pas proportionnée à la faute reprochée. Toutefois, il ne peut pas lui-même modifier la sanction car cela relève du pouvoir de l’employeur. Ce dernier peut alors prononcer une sanction moins forte. » Sanction irrégulière en la forme : en cas d’irrégularité dans la procédure disciplinaire, le juge peut annuler la sanction s’il estime que ce vice a été préjudiciable au salarié sanctionné. L’employeur est libre de prononcer la sanction après une nouvelle procédure effectuée dans les formes. 
Le Conseil des Prud’hommes, après l’instruction pourra soit maintenir, soit annuler la sanction mais jamais la modifier de lui-même. Cette prérogative est réservée à l’employeur. 
 Afin de protéger les salariés d’éventuels abus ou détournements de pouvoir de la part de l’employeur, le Conseil des Prud’hommes a la possibilité de contrôler l’intégralité de la procédure et des éléments ayant conduit à sanctionner le salarié. À l’issue de l’instruction, il pourra annuler ou confirmer la sanction mais ne pourra jamais la modifier.



Conclusion 
Cette fiche-outil nous a permis de rappeler les principaux points ayant un impact sur le droit disciplinaire de l’employeur. Nous avons ainsi articulé notre développement autour de quatre éléments : - La faute du salarié : sa définition, ses niveaux et le cas de la vie privée du salarié ; - La sanction de la faute : définition, échelle, choix de la sanction, refus du salarié ; - La procédure disciplinaire : procédure et délais à respecter ; - Le contrôle de la sanction par le Conseil des Prud’hommes. 
Il convient pour conclure de signaler que cette fiche ne saurait être exhaustive pour deux raisons majeures. Tout d’abord, les éléments repris ici sont ceux du droit commun et ne sont pas les seuls devant être pris en compte dans de nombreuses situations bien spécifiques. Par exemple, il faudra respecter des procédures particulières, instaurées pour protéger les intérêts collectifs (représentants du personnel) ou en cas de licenciement économique. Enfin, la législation est en constante évolution, les nouvelles Lois, les décrets et règlements adoptés, de même que la Jurisprudence sont à consulter fréquemment afin d’éviter l’omission de certains éléments nouveaux, voire la contradiction avec les obligations légales et réglementaires. Il conviendra ainsi de s’actualiser fréquemment, voire en permanence, car le droit du travail est un droit vivant, expression consacrée par Jean-Emmanuel Ray.  

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