Entreprise en difficulté
Entreprise en difficulté
Unitaire jusqu’au terme de la période
d’observation -sauf conversion anticipée en
liquidation judiciaire-la procédure de redressement judiciaire a
vocation de se différencier par l’effet du jugement portant dénouement du sort
de l’entreprise.
En toute hypothèse,cette décision est précédée du dépôt
du rapport du syndic ,en effet avec le concours du chef de l’entreprise et
l’assistance éventuelle d’un ou plusieurs experts, il doit dresser dans un
rapport le bilan financier,économique et social de l’entreprise. Au vu de ce
bilan le syndic propose soit un plan de redressement assurant la continuité de
l’entreprise ou sa cession à un tiers, soit la liquidation judiciaire. Dés ce
dépôt du rapport, et pour permettre au tribunal de prendre une connaissance
complète des éléments de la cause, une ultime consultation contradictoire est
organisée en chambre du conseil : y sont convoqués le chef d’entreprise, les
contrôleurs et les délégués du personnel. Ainsi informé le tribunal rend son
jugement en audience publique. Pour l’essentiel, c’est-à-dire quant
au parti pris sur le sort de l’entreprise, la décision peut porter sur un plan
de continuation qui vise à la poursuite de l’activité de l’entreprise par ses
dirigeants, et pouvant proposer des délais et des remises aux créanciers ,C’est
au tribunal qu’il appartient de l’homologuer ou de le rejeter.
A- LE LIVRE V DU CODE DE COMMERCE :
Le livre V du code de commerce (loi du 1er août 1996),
réservé aux procédures des difficultés de l'entreprise, traduit la dominance de
l'approche économique sur celle purement juridique, en appréhendant
l'entreprise comme véhicule de création de richesse et d'emploi et non pas
uniquement comme un objet de propriété. Plus, le sauvetage de l'entreprise en
difficulté, non seulement permet le maintien des emplois et le processus
créatif de richesses qu'elle représente, mais prévient une réaction en chaîne
négative (difficultés financières) des opérateurs économiques liés à ladite
entreprise (fournisseurs, clients, créanciers…).
Aussi, est-il possible, dès une première
lecture des titres composant le livre v du code de commerce, avant toute
analyse de leurs dispositions, de déduire une volonté claire du législateur de
faire du sauvetage de l'entreprise en difficultés sa principale préoccupation.
La loi n'intervient plus à posteriori pour protéger les intérêts des
créanciers, mais, également et surtout, en amont pour organiser tout un
processus de révélation des difficultés et éviter, ainsi, que ces dernières ne
deviennent insurmontables et que la situation de l'entreprise ne devienne
irrémédiablement compromise. C'est dire que la sphère du droit des procédures
collectives s'est étendue en amont, avant que l'entreprise ne soit en cessation
de paiements, en revalorisant le rôle du contrat d'une part, et des organes de
contrôle de l'entreprise, d'autre part.
B- LE PLAN DE REDRESSEMENT :
Fondé sur l’espérance, étayé d’une survie de
l’entreprise, le plan peut en aménager les conditions selon deux modalités
principales : celles de la continuation directe de l’entreprise et de ses
activités ou celle de la cession; la combinaison des formules, expressément
permise (art .603), pouvant constituer une heureuse opportunité. En toute
hypothèse, le plan a vocation à circonscrire les conditions d’ensemble de
redressement. A ce titre il énonce en particulier les engagements souscrits
quand à l’avenir de l’activité, aux modalités de son financement, au règlement
du passif antérieur ou aux garanties de ces obligations, et désigne les
personnes qui les ont souscrites (dirigeants,banquiers,fournisseurs,créanciers,
repreneurs,etc.). Il est opposable à tous sans que, toutefois, les mesures
adoptées dans le plan, notamment en cas de continuation, souligne l’intérêt
d’en fixer la durée: elle est déterminée par le tribunal sans pouvoir excéder
dix ans (art.596).
Conçu, élaboré, médité avec soin, le plan de redressement
pourrait néanmoins appeler, à l’épreuve des faits, des aménagements. La loi
intègre expressément cette prévision.
Ainsi dispose-t-elle que, sur la demande du
chef d’entreprise et le rapport du syndic, le tribunal peut décider « une
modification dans les objectifs et les moyens du plan » (art.597).
C- LA CONTINUATION DE L’ENTREPRISE
Elle constitue la solution la plus respectueuse de
l’entreprise considérée dans son identité économique, son autonomie
fonctionnelle et sa représentation humaine. Cela la rend hautement souhaitable
- même au prix de contraintes, restrictions et sacrifices partagés – mais n’en
commande pas l’automaticité; car une continuation abusive peut aussi constituer
un trouble grave à l’intérêt public économique .Au demeurant, la loi même donne
acte d’une certaine exigence d’opportunité et d’adéquation de cette issue aux
facultés présentes de l’entreprise et aux perspectives d’une prévision
raisonnable.
Elle tient également compte :
-De l’importance des pertes accumulées.
-Des résultats de la gestion pendant la période
d’observation.
-De l’attitude des débiteurs à l’égard du projet de plan.
Ce qu’elle traduit en posant comme critère de
continuation de l’entreprise qu’il « existe des possibilités sérieuses de
redressement et de règlement du passif » (art.592)
La vérification et l’appréciation de ces possibilités
cumulatives, pure question de fait, relèvent de la souveraine appréciation du
tribunal qui peut aussi, par les dispositions du plan, jouer des mesures
d’accompagnement proposées ou esquissées par la loi.
II-Plan de continuation :
Le plan de continuation est un plan de redressement qui vise
à la poursuite de l'activité de l'entreprise par ses dirigeants, et pouvant
proposer des délais et des remises aux créanciers. C'est au Tribunal qu'il
appartient de l'homologuer ou de le rejeter.
A- MESURE DE REDRESSEMENT :
Le tribunal décide la continuation de l'entreprise
lorsqu'il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du
passif (art 592). Cette disposition impose au tribunal une analyse approfondie
des potentialités de l'entreprise
Le tribunal décide la continuation sur rapport du syndic
(art590). En pratique, le tribunal ne disposant pas de compétence financière
lui permettant d'analyser profondément le rapport du syndic, donne suite
favorable au plan proposé par ce dernier
Le tribunal peut arrêter le plan de continuation même si
la vérification des créances n'est pas terminée. La durée du plan est fixée par
le tribunal sans qu'elle puisse excéder dix ans (art 596).
1- Éviction des dirigeants :
Le tribunal peut d'office, ou sur demande du syndic,
subordonner l'adoption du plan de redressement de l'entreprise au remplacement
d'un ou plusieurs dirigeants.
La mise en œuvre de cette mesure est, toutefois
conditionnée par son caractère nécessaire pour la survie de l'entreprise. A
cette fin, le tribunal peut écarter les dirigeants malhonnêtes qui
compromettent le redressement.
On constate donc que l'intérêt de l'entreprise prime sur
les droits des dirigeants. Plusieurs mesures sont envisageables notamment: -
Remplacer les dirigeants
-Prononcer l'incessibilité des parts ou actions des
dirigeants (celle-ci prend fin dès la clôture de la
procédure) -Ordonner la cession des parts et actions des dirigeants à
un prix fixé par l'expert.
Ces mesures concernent uniquement les dirigeants, les
associés même majoritaires y échappent.
2- La suspension de l’interdiction des chèques:
Lorsque l'entreprise a fait l'objet d'une interdiction
d'émettre des chèques en raison de faits antérieurs au jugement d'ouverture, le
tribunal peut prononcer la suspension des effets de cette mesure pendant la
durée d'exécution du plan et du règlement du passif (art 593 Ladite suspension
ne met pas obstacle à l'obligation pour l'entreprise de payer l'amende fiscale
prévue par l’article 314 du code de commerce pour émission de chèque (s) sans
provision.
La résolution du plan met fin de plein droit à la
suspension de l'interdiction.
3- Inaliénabilité de certains biens :
Dans le jugement arrêtant le plan ou le modifiant, le
tribunal peut décider que les biens qu'il estime indispensable à la
continuation de l'entreprise ne pourront être aliénés, pour une durée qu'il
fixe, sans son autorisation. L'inaliénabilité des biens est inscrite au
registre de commerce de l'entreprise (art 594). L'inscription de
l'inaliénabilité des biens immeubles à la conservation foncière a, toutefois,
été omise. Cette omission risque de soulever des problèmes, dans la mesures ou
seules les inscriptions portées sur le titre foncier de l'immeuble sont
opposables aux tiers.
Dans tous les cas, tout acte passé en violation de cette
inaliénabilité est annulé à la demande de tout intéressé présentée dans le
délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou de sa publication.
4- Propositions diverses :
Le plan mentionne les modifications statuaires nécessaire
à la continuation de l'entreprise.
-L'expérience révèle que les difficultés d'une entreprise
sont souvent imputables, dans une mesure significative, à la mauvaise structure
de son activité. Aussi le plan peut–il prescrire que la continuation
a lieu moyennant l'arrêt, l'adjonction ou la cession de certaines branches
d'activités
-Augmentation du capital
-Le redressement peut exiger le licenciement des salariés
pour motif économique prévu par le nouveau code de travail en contrepartie
d'une indemnisation légale de licenciement.
B-MODIFICATION DU PLAN :
Une modification dans les objectifs et les moyens du plan
ne peut être décidée que par le tribunal à la demande du chef de l'entreprise
et sur le rapport du syndic. Il en résulte que la demande de modification du
plan ne peut émaner que du chef de l'entreprise, à l'exclusion de toute autre
personne.
Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé
les parties ou toute personne intéressée.
Aucune limite du pouvoir du tribunal de modifier le plan
n'est prévue par la loi. Il s'ensuit que seules les limites applicables au plan
initial restent en vigueur, comme le délai du plan qui ne peut dépasser dix ans
et l'impossibilité d'imposer aux créanciers des remises de dettes (art 598)
C- RESOLUTION DU PLAN :
Si l'entreprise exécute le plan, le tribunal prononce la
clôture de la procédure. Par contre, si l'entreprise n'exécute pas ses
engagements fixés par le plan, le tribunal peut d'office ou à la demande d'un créancier
et après avoir entendu le syndic, prononcer la résolution du plan et décider la
liquidation judiciaire.
Les créanciers soumis au plan déclarent alors
l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues.
III- L’APUREMENT DU PASSIF:
A – MESURES D’APUREMENT :
L’apurement du passif se fait par l’aménagement des
dettes de l’entreprise.
Le syndic envoie une lettre aux créanciers présentant des
propositions de remises des dettes. Ces créanciers -résignés aux
décisions du tribunal- se doivent de répondre à lettre soit par refus ou
acceptation. Au-delà du délai de 30 jours, tout silence équivaut à
acceptation.
Les termes d’échéances des créances sont fixés par le
tribunal et non pas par les créanciers.
Dans le 1er cas: Quand les créanciers acceptent la remise, le tribunal donne acte des délais et remises accordés par les créanciers au cours de la consultation. Ces délais et remises peuvent, le cas échéant, être réduite par le tribunal (art.598).
Dans le 2ème cas: Quand les créanciers refusent les délais et remises proposés par le syndic et le chef de l’entreprise, le tribunal ne peut contraindre ledit créancier à consentir que des délais. Il ne peut, par exemple, lui imposer un abandon de créance, même partiel. Le tribunal ne peut agir que sur les délais (rééchelonnement de la dette : octroi d’un différé de paiement).
En effet selon l’article 598 (suite) « Pour les autres
créanciers, le tribunal impose des délais uniformes de paiement sous réserve,
en ce qui concerne les créances à terme, des délais supérieurs stipulés par les
parties avant l’ouverture de la procédure.Ces délais peuvent excéder la durée
du plan. Le premier paiement doit intervenir dans le délai d’un an »
Le montant des échéances peut être progressif. Dans ce
cas, leur montant annuel ne peut être inférieur à 5% de leur montant total
retenu par le plan.
B- LES MESURES DE SAUVEGARDE:
Elles concernent d’abord le cas de la cession partielle
d’actifs.
-Article 601 : « Si un bien est grevé d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque, une autre garantie peut être substituée en cas de besoin, si elle présente des avantages équivalents. En l’absence d’accord, le tribunal peut ordonner cette substitution »
Autrement dit, lorsque la réalisation d’un élément
d’actif est envisagée, pour procurer à l’entreprise la disposition de son prix,
l’opération peut se heurter à l’existence d’une sûreté réelle constituée ou
acquise sur le bien.
L’intérêt de l’entreprise suggère alors que soit
substituée au privilège, au nantissement ou l’hypothèque en cause, une autre
garantie présentant « des avantages équivalents »; mais une telle modification
nécessite normalement l’accord du bénéficiaire de la sûreté. Aussi la nouveauté
de la loi réside-t-elle en ce que, si le besoin le commande, le
tribunal a pouvoir d’ordonner cette substitution.
-Article 600 : « En cas de vente d’un bien grevé d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d’un privilège général, sont payés sur le prix après paiement des créanciers qui les priment »
Ceci dit qu’à défaut d’un tel remplacement, volontaire ou
forcé, le prix de vente d’un bien grevé l’hypothèque, de nantissement ou d’un
privilège spécial, est affecté au paiement des créanciers titulaires de ces
sûretés, après prélèvement du montant des créanciers qui les priment sur la
somme reliquataire. Ils reçoivent dans l’ordre de préférence existant entre
eux, un payement anticipé qui s’impute sur le principal des dividendes à échoi
Conclusion
C'est dans un souci de soutenir les entreprises
marocaines et d'influer positivement sur l'évolution du marché du travail ou,
du moins, ralentir la montée croissante du chômage que le nouveau code de
commerce intervient en instituant un schéma légal de traitement des difficultés
de l'entreprise qui ne s'ouvre pas directement sur une cessation de paiement et
une procédure de liquidation, mais plutôt sur une procédure de prévention des
difficultés, de redressement conventionnel et de redressement judiciaire (plan
de continuation, plan de cession), avant de passer, en ultime ressort, à la
liquidation judiciaire
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